Pendant trois ans, Loan Nguyen a photographié le chantier du futur Musée cantonal des Beaux-Arts. Alors que les fondations émergeaient, que les premiers espaces se dessinaient, le futur musée n’était encore qu’un rêve, un fantasme, un potentiel, un à-venir : un musée possible. Les œuvres pouvaient s’imaginer, les circulations s’inventer, les expositions les plus stimulantes se prévoir, les rencontres les plus inattendues se désirer.
Pendant trois ans, le musée à venir était ouvert à tous les vents, les trains proches semblaient le faire trembler, la lumière du jour changeait les perspectives. Il accueillait le travail, les initiatives des maîtres d’œuvre, les charges et les fatigues des ouvriers. Musée en puissance, il était en train de s’inventer. Ce qu’il deviendrait était un futur, une question ouverte.
Pendant ces trois ans, Loan Nguyen et Eric Vautrin ont eu un enfant. Loan a parcouru le chantier enceinte, puis plus tard avec l’enfant. Le musée à venir n’était pas séparé de la vie. Il prenait vie en même temps qu’un, que de nombreux, tout jeunes enfants. Il y avait aussi, juste à côté, des amours, des accidents, des silences, des combats, des repas, des fêtes, des heures vides, des jours pleins, des nuits floues, des foules, des solitudes.
Loan Nguyen et Eric Vautrin ont alors cherché à confronter le musée possible avec la ville et avec la vie qui l’entouraient. Ils l’ont relié avec des événements intimes et des manifestations publiques, avec de l’éloquent et du discret. Avec ce qui jamais n’entrera dans ce musée : le silence d’une grand-mère en EMS, l’euphorie d’une fête, la stupeur de la maladie, la conviction d’une prière, les nuances de la nature, les engrenages de l’industrie ou de la science. Ce musée possible résonnait avec la vie comme elle va. À travers une première série de diptyques, ils inscrivent l’un dans l’autre.
Que sont devenues nos institutions publiques et culturelles ? Qu’en attendons-nous ? Elles furent des lieux de savoirs conquérants, puis se rêvèrent en espaces ouverts au plus grand nombre, portés par une ambition d’émancipation par le partage d’une culture commune, à débattre. Elles existent aujourd’hui souvent comme patrimoine et argument de « valorisation » touristique et économique. Où et comment rencontrent-elles la vie, à l’heure du capitalisme mondialisé et des vérités alternatives, du renouveau délibéré des discours discriminants visant les plus fragiles, de l’effondrement des solidarités sociales, de la destruction massive de la nature au profit d’une industrialisation irresponsable et d’une consommation largement aveugle ? Si un musée est un lieu de rencontre unique avec le passé, fut-il le plus récent, comment inventer son avenir ?
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Conception et réalisation
Loan Nguyen et Eric Vautrin
Commissariat
Musée de l’Elysée
Avec le soutien de
Etat de Vaud, Musée de l’Elysée
Remerciements
Tatyana Franck, Lars Willumeit, Bernard Fibicher, Patrick Schranz, Mathieu Troillet (Pragma Partenaires-SA), Marie-Christine Matthieu, Leonard de Muralt, Huong Nguyen